Grosse fatigue et gueule de bois au réveil ce matin, normal vu la soirée arrosée d'hier, la journée va plutôt se dérouler sous le signe de la lenteur... Au programme, rejoindre Posadas, la capitale de la province de Misiones et.... ça sera bien suffisant ! Si nous avions été en forme, nous nous serions arrêtés en route pour visiter la mission jésuite de San Ignacio, mais vu notre motivation, nous reviendrons plutôt demain pour réellement apprécier.
Après six heures de bus nous voici enfin à Posadas où nous trouvons un hôtel bon marché tenu par un vieil argentin sympa comme tout, un personnage assis toute la journée derrière son comptoir avec son maté, sauf entre 14h et 17h, l'heure sacré nous dit-il d'entrée de jeu (gare à vous si vous le dérangez ou allumez la télé !!!), car l'heure de la siesta bien sûr, tout un art ici !!!
Le lendemain, après une énorme grasse matinée, nous voilà plus en forme et le soleil est toujours là , génial... Nous prenons un bus en sens inverse direction la mission jésuite de San Ignacio, à une heure de trajet. Alors que nous nous en approchons, les images du film "Mission", racontant l'histoire d'une de ces missions jésuites sur fond de forêt vierge et des chutes d'Iguazu, repassent dans nos têtes. Il faudra vraiment qu'on revoie cet excellent film en rentrant !
C'est en effet dans cette région, à cheval sur le Brésil, l'Argentine et le Paraguay, que se situent les ruines de plusieurs missions appelées ici "reducciones" (que l'on peut traduire comme conversion), la mission de San Ignacio, nommée San Ignacio Mini, étant l'une des plus connues et des mieux conservées.
Arrivés sur ce site, un petit musée nous remet en tête la belle puis tragique histoire de ces missions jésuites. Les Jésuites, arrivés au Brésil au milieu du seizième siècle, souhaitaient ardemment convertir et "civiliser" les indiens vivant alors ici dans des conditions plutôt difficiles puisque subissant l'oppression des Espagnols. Lorsque, en 1609, un décret royal confie aux Jésuites le véritable rôle d'administrateurs du territoire des Missions, ce système communautaire autonome qu'ils convoitent tant peut alors voir le jour et des dizaines de missions sont construites.
De nombreux Indiens Guaranis y adhèrent de plein gré, y trouvant un niveau de vie bien plus élevé et surtout une protection salutaire puisque les Jésuites les aident à résister à leurs différents ennemis qui ne voient en eux que des esclaves ou une main d'oeuvre bon marché. Entre 1700 et 1750 notamment, ce système connaît un réel âge d'or et Indiens et Jésuites y vivent confortablement et en bonne harmonie grâce à l'élevage, l'artisanat et la culture de la yerba maté, popularisée dans tout le continent grâce à eux. En déambulant parmi les ruines des monastères, habitations, cuisines communes, âteliers de travaux... de la mission de San Ignacio, nous prenons conscience que tout était très bien organisé et séparé, régi par un fonctionnement complètement autonome, une utopie selon certains... Dans chaque mission vivaient ainsi entre 1500 et 7000 personnes !
Le village s'organisait bien sûr autour de la cathédrale, élément central mesurant plus de 60m de long et comptant des murs de plus de 2m d'épaisseur !
Le portail de cette église, superbement conservé, est magnifique. Il fut entièrement sculpté par les Indiens Guaranis qui vécurent ici pendant plus d'un siècle. Les lieux, très calmes et peu visités apparemment, dégagent une certaine impression d'intimité et de douceur ; la couleur particulière de la pierre, du grès ocre, y étant certainement pour beaucoup.
Difficile de croire qu'ici (comme dans la majorité des missions des environs) furent anéantis, en même temps que leurs protecteurs jésuites qui luttèrent à leurs côtés, la quasi totalité des Indiens qui y vécurent. En effet, en 1759, pour des raisons politiques, l'ordre est donné aux Indiens de quitter leurs missions. N'en comprenant pas la raison, ils refusèrent puis se révoltèrent en masse avec le soutien des Indiens non convertis mais furent malheureusement presque tous anéantis dans un bain de sang très violent. Les missions furent fermées immédiatement et les survivants renvoyés dans la forêt.
Ce fût la fin de cette belle utopie qui dura près de 150 ans. Aujourd'hui il ne reste que l'Histoire et ces ruines pour honorer la mémoire de ces communautés. La visite est agréable mais très rapide, il n'y a pas réellement énormément de choses à voir, mais se replonger ainsi dans cette époque est émouvant et nous ne regrettons pas le détour.
De retour à Posadas, nous nous renseignons pour visiter la réserve naturelle de l'Ibéra, mais les conditions d'accès sont très difficiles et il n'y a qu'un seul bus par semaine, dont le jour ne correspond pas à nos possibilités. Quant aux excursions proposées par les rares agences, c'est du sur mesure et donc hors de prix !!! Tant pis... Nous reste la possibilité de visiter la mission de Trinidad, au Paraguay, mais apparemment les conditions de sécurité ne sont pas très bonnes par là -bas nous dit-on. Du coup nous abandonnons : ayant déjà visité la mission de San Ignacio, ça ne nous semble pas incontournable.
Bon, d'accord, mais qu'est ce qu'on fait alors ? Et ben.... on passe une nouvelle journée calme à Posadas, à faire du shopping (une fois n'est pas coutume !), déguster la viande succulente de ces petits restaurants argentins qu'on adore et qui propose des merveilles, et simplement s'imprégner de la vie qui règne dans une ville banale en Argentine, loin du tourisme de masse. Posadas s'assoupit entre 12 et 16h et tout est alors fermé, boutiques, bars... pour mieux réouvrir à la fraîche vers 16h et jusque tard dans la nuit. Les Argentins mangent tard, profitent des terrasses, boivent le maté sur les bancs des places, discutent, vivent tout simplement, et le plaisir du voyage consiste parfois à profiter de ces petis riens, à observer d'autres modes de vie, à se laisse envahir par l'ambiance et le plaisir d'être ailleurs, loin de ses repères. Mais il est déjà l'heure de prendre le bus de nuit qui nous conduira à Buenos Aires...