Nous avons choisi de prendre notre temps pour visiter les différentes îles du côté péruvien du lac Titicaca et, après la découverte rapide des îles Uros (cf. étape précédente) et toujours dans le cadre d'une excursion de deux jours au départ de Puno, nous arrivons vers 13h aux îles Amantani où nous passerons la nuit.
Ici pas d'hôtels pour vous accueillir, c'est le chef du village, accompagné de plusieurs femmes habillées traditionnellement et de leurs enfants, qui nous attend au débarcadère. Dix communautés vivent sur cette île et nous allons passer la nuit dans une famille de l'une d'elles. Si de nombreux habitants acceptent d'accueillir des étrangers, ils entendent bien maîtriser le tourisme et empêcher la construction d'hôtels qui détruiraient leur île et menaceraient leur identité ; qui veut séjourner sur cette île est donc accueilli par une famille choisie par le chef du village.
Le concept (quoiqu'assez touristique) nous a séduit, l'occasion de s'immerger quelques heures dans le vie d'une de ces familles, de manger leur nourriture en leur compagnie, de discuter et tout simplement d'observer leur quotidien. Nous ne serons pas décus, la communauté nous accueillant s'étant encore très peu ouverte au tourisme (à l'inverse d'autres qui en accueillent tous les jours de l'autre côté de l'île), elle nous réservera un accueil simple, pas encore trop dénaturé.
C'est Teodora, une femme de 35 ans, qui nous accueille chez elle, dans la petite maison où elle vit avec ses six enfants âgés de 16 ans à 7 mois pour le petit dernier. Son mari n'est pas là , il est parti depuis trois semaines chercher du travail à Arequipa car la vie est trop difficile ici, les cultures servent à vivre la moitié de l'année mais ensuite beaucoup d'hommes partent quelques mois pour ramener de l'argent. Trois semaines qu'elle et ses enfants sont sans nouvelles et s'inquiètent. Quent à Téodora, elle ne quitte l'île qu'une fois par an environ pour s'approvisionner à Puno. Ce n'est pas nécessaire puisqu'elle a tout ce qu'il faut sur l'île nous explique-t-elle, une école pour les enfants (tant qu'ils sont petits seulement), un centre sanitaire en cas de problème, et toute sa famille.
Notre chambre est très chouette par rapport à la pièce commune où dort toute la famille. Pas d'eau courrante, il faut aller la chercher plus loin au puit, pas d'éléctricité non plus, seulement des bougies qu'on économise, nous remarquerons vite que les enfants les éteignent dès que nous éclairons avec notre torche électrique. Alors les quelques fruits et kilos de riz que nous avons emmené avec nous sont les bienvenus, c'est sûr.
Pas de viande non plus ni de poisson, Téodora nous prépare de la soupe de quinoa accompagnée de patates douces et d'un peu de riz et du thé de mounia. C'est simple et bon, le tout préparé sur des marmites à même le sol en terre battue. Les enfants arrivent bientôt de l'école et nous observent discrètement du coin de l'oeil, timides. Seule l'unique fillette, qui doit se sentir un peu exclue, nous accompagnera partout. Elle aide également sa mère en tout : prendre soin du petit dernier, aller chercher de l'eau, s'occuper des bêtes, de la cuisine...
A l'école, les enfants apprennent le quechua parallèlement à l'espagnol, et nous sommes bien contents de nous débrouiller dans cette langue pour pouvoir communiquer. Les touristes ne parlant qu'anglais se sentent mal à l'aise dans leur famille nous disent-ils, c'est sûr, ça ne doit pas être commode. Aucune voiture, ni même de vélos ou mobylettes sur l'île, et aucun lama ou alpaga non plus ni même de poissons dans le lac la plupart de l'année, les habitants élèvent principalement des moutons.
Un calme à toute épreuve règne ici, sur cette île très sauvage, difficile de trouver plus de paix et de tranquilité... Vers 16h la petite nous accompagne et nous grimpons au sommet d'une colline où se situe un temple consacré à la Pachamama (la Terre-Mère). Il paraît qu'il faut faire trois fois le tour dans le même sens en faisant un voeux qui se réalisera alors... La vue sur le lac Titicaca, le plus haut du monde, est splendide depuis là , alors que le soleil se couche.
Le soir, nous mangeons de nouveau la cuisine traditionnelle dans la petite cuisine éclairée à la bougie en compagnie de notre "famille d'accueil" puis Téodora vient nous dire qu'il y a une fête en l'honneur des touristes dans la salle commune du village et que nous leur ferons plaisir en revêtant leurs habits traditionnels. On est très sceptiques à cette idée mais difficile de refuser devant leur insistance, c'est parti sous les rires des enfants... Sceptiques sur le fait de porter ainsi des habits traditionnels qui n'ont pas de sens pour nous, on se dit qu'on va vite s'éclipser... Vaguement éclairés par une bougie, nous rejoignons la salle commune où les locaux ont improvisé un groupe musical. Presque pas de lumière et des fausses notes à chaque minute mais l'intention est super sympa.
Ici le tourisme est récent et les habitants prennent plaisir à jouer pour nous et improviser des spectacles et danses traditionnels, ils ne se prennent pas au sérieux et semblent s'amuser, du coup on est loin des shows touristiques traditionnels qu'on a parfois eu bien du mal à supporter dans d'autres lieux... Par contre, quand ils vous entrainent pour danser, ça peut durer des heures, les morceaux sont très longs !!!
Nous rentrons dans la nuit et le foid, heureusement nous avons plein plein de couvertures dans la chambre, pas du luxe vu le froid à presque 4000m d'altitude. Pourtant nous resterons dehors encore longtemps à observer un ciel étoilé magnifique : aucune pollution lumineuse ici, nous ne nous rappelons pas avoir jamais vu une nuit si pure...
Après une courte nuit, dernier petit déjeûner en compagnie de Téodora et des enfants, l'occasion de leur offrir un peu de matéreil scolaire et d'acheter quelques objets d'artisanat à Téodora, geste bienvenu. Puis retour au port, Barbara emmenant sur son dos le petit Frank et, tout en nous parlant, continuant à tricoter un nouveau bonnet en alpaga...
Nous rejoignons les autres touristes escortés aussi par leurs familles, et remercions Téodora pour son accueil et ces instants de vie partagés, une occasion touristique certes mais intéressante de découvrir un peu la vie de personnes que l'on ne croise souvent que de loin.
L'ìle de Taquile est située à une heure de navigation de celle d'Amantani et nous accostons par la côte arrière, ce qui nous évitera de grimper les nombreuses marches qui mènent au village depuis l'autre côté. A la place nous marchons environ une heure pour rejoindre El Pueblo, le village principal situé tout au sommet, une marche magnifique à flanc du lac Titicaca, à une heure où la plupart des touristes venant de Puno ne sont pas encore arrivés.
Ici la végétation est bien plus présente que sur l'île d'Amantani, l''île est bien plus verte. Elle est plus riche et développée aussi. Les Indiens qui habitent ici (environ 2000 personnes) vivent selon le principe de la communauté. Ainsi par exemple tous les objets d'artisanat sont vendus à prix fixe dans un magasin qui regroupe toutes les confections, pas de concurrence, pas de marchandage et chacun profite du fruit de son travail.
Les habitants sont accueillants et, grâce au système de communauté, personne ne nous accoste pour nous proposer son artisanat, la visite en est d'autant plus agréable. Les femmes, même lorsqu'elles marchent, continuent à tissus des vêtemets en laine d'alpaga, trainant derrière elle un espèce de rouet. Mais le plus étonnant ici c'est que les hommes aussi tricottent et tissent sans arrêt !
C'est un autre monde que celui de cette île où les coutumes et traditions sont bien présentes. Ainsi des codes précis régissent les liens entre hommes et femmes, différents attribus permettant de savoir si une femme ou un homme est célibataire ou marié. En plus des vêtements traditionnels, les femmes seules se doivent de porter de très gros pompons à leur ceinture pour faire valoir leur célibat. Les couleurs et hauteurs des jupes indiquent aussi leur situation. Quand aux hommes, c'est à la couleur de leur bonnet qu'on sait leur statut : célibataire (bonnet rouge et blanc), marié (rouge) ou chef (plein de couleurs). Plus pratique que l'alliance !
Peu d'enfants sur l'ile à l'inverse de l'île d'Amantani, ici il n'est pas coutumier d'avoir plus de trois enfants par famille. Mais ceux que nous croisons sont souriants et curieux. Pas d'eau courante ici non plus, il faut aller la chercher au puit mais en revanche l'éléctricité de plus en plus présente grâce aux panneaux solaires. Malgré le nombre de touristes qui viennent passe la journée sur l'île les lieux restent géniaux et le cadre, avec le lac Titicaca en contrebas, est tout bonnement magnifique. Bref, on a adoré cette île aussi !
Après le repas à base de soupe de quinoa et de poisson, nous repartons par le chemin principal, franchissant la porte d'entrée du village où, généralement, le chef du village accueille les touristes qui veulent passer la nuit ici et leur indique où cela sera possible. Aujourd'hui ce sont surtout des femmes qui reviennent d'autres îles ou de Puno que nous croisons, femmes portant toujours leurs habits traditionnels et extrêmement chargées, quand elle ne portent pas en plus un bébé dans le dos. Et des marches pour arriver au village, il y en a !
Quant à nous nous reprenons déjà notre navigation en direction de Puno, trois heures sur le pont du bateau à profiter des paysages...
On ne peut que vous conseiller d'aller sur ces îles et si possible d'y passer la nuit (en essayant d'être accueilli par une communauté qui ne vit pas seulement du tourisme), c'est une expéreince vraiment géniale et les paysages sont magnifiques ! Quant à nous, départ demain pour Cusco, la capitale Inca...