Quatre heures du matin, il est tôt... mais temps d'ouvrir un oeil si nous voulons attraper notre vol pour Brasilia. Trois heures trente de vol, à peine le temps de se rendormir un peu que nous atterrissons déjà à Brasilia, capitale du pays, dont l'architecture unique a fait et fait encore couler beaucoup d'encre. Une immense cité en forme d'avion, rien de moins, une prouesse architecturale à l'époque de sa construction achevée en 1960, une ville qui a piqué notre curiosité, nous a intrigué. Nous qui fuyons habituellement les grandes mégalopoles, nous avions envie de nous forger notre propre opinion sur ce lieu que certains détestent ou, à l'inverse, adorent.
Après s'être trouvé une petite pousada (les pousadas sont plutot rares, la ville étant faite beaucoup plus pour les hommes d'affaires et les diplomates que pour les routards, on y trouve essentiellement des hôtels de luxe), on part à la recherche d'une agence pour visiter la ville le lendemain. Les distances sont en effet très grandes et il est difficile de faire la visite seul, à pied ou en bus. Malheureusement, il se met vite à pleuvoir des cordes, nous sommes trempés en deux minutes et avons envie d'une seule chose, rentrer à l'hôtel pour nous y reposer. Nous trouvons enfin une agence (rares elles aussi) dans le quartier des agences (forcément, mais quand on ne sait ni qu'il en existe un, ni où il est !), réservons une excursion pour visiter Brasilia le lendemain après-midi, mangeons un bout au McDo du centre commercial (cool !) et, après tout cela, l'après-midi étant déjà bien avancé, rentrons enfin à l'hôtel.
Quatorze heures le lendemain, nous commençons la visite guidée de cette ville construite sur la décision du président Juscelino Kubitschek en 1956. En un rien de temps (la ville fut construite entièrement en à peine 3 ans et 10 mois !!!), Oscar Niemeyer (l'architecte) et Lucio Costo (l'urbaniste) firent sortir du désert de cette région très pauvre et peu peuplée cette mégalopole censée représenter le mode vie idéal du futur.
La visite débute devant le palais d'Olvorado, bâtiment qui constitue l'habitation principale du président, situé non pas "à l'intérieur de l'avion" mais près d'un lac artificiel qui, crée de toute pièce en même temps que la ville, la longe en partie en prenant la forme des ailes de l'avion. Un peu plus loin nous traversons le joli pont dédié au président de l'époque (pont JK), qui enjambe le lac en son milieu.
En traversant la ville, on ressent comme un sentiment de vide et d'espace tant les avenues sont larges et immenses, les bâtiments éloignés les uns des autres. La ville est organisée symétriquement, par blocs. Ainsi, le corps de l'avion (le centre-ville) rassemble tous les ministères et institutions administratives puis, lorsqu'on s'éloigne vers l'extrêmité de chaque aile, on trouve de manière symétrique les hôtels et la zone culturelle, puis la zone commerciale (avec les deux plus grands centres commerciaux d'Amérique du Sud) et enfin la zone des habitations, zone elle-même divisée en blocs (101,102...)autosuffisants (chacun possédant son école, ses commerces...). Et plus l'on se rapproche du bout des ailes, moins on est riche.
C'est sûr, vivre dans une ville où tout est compartimentée ainsi, dans un symbolisme extrême, peut laisser plus que sceptique ; il fallut d'ailleurs doubler le salaire des fonctionnaires pour qu'ils acceptent de quitter Rio et viennent s'installer ici... et on peut être s'interroger sur la réalité d'un mode de vie agréable ici pour tous (la ville, initialement prévue pour accueillir 400000 habitants en abrite désormais 2 millions si l'on compte les nombreuses villes-satellites qui se sont construites en périphérie). Cependant, nous on accroche bien avec ce lieu car il faut reconnaître que le style des bâtiments, inattendu, est une belle réussite architecturale, une belle expérience en matière de conception d'urbanisme.
Allez, petit tour dans le fuselage de l'avion pour admirer l'immense place rectangulaire des Trois Pouvoirs. Côte à côte se trouvent le pouvoir judiciaire (la Cour Suprême ainsi qu'une statue représentant la justice aveugle), le législatif (le Sénat et la Chambre des députés, deux bâtiments curieusement collés l'un à l'autre et formés de deux immenses bols, l'un tourné vers le ciel représentant la Chambre des députés, l'autre, retourné, représentant le Sénat, certains prétendant que le bol renversé symbolise les sénateurs rassasiés et le bol droit les députés réclamant à manger...) et l'exécutif (le palais présidentiel) et, fermant l'ensemble, le monument de la Liberté. Une place étonnante et hautement symbolique !
De part et d'autre de l'esplanade des Ministères, immense esplanade herbeuse, s'étendent deux rangées impressionnantes de ministères carrés, parfaitement identiques et alignés les uns derrière les autres en rang d'ognions. Deux autres bâtiments étonnants s'ensuivent (toujours symétriques par rapport à l'esplanade), le musée national (bâtiment hémisphérique blanc) et, lui faisant face, le théatre national, superbe bâtiment dont la forme est inspirée des pyramides aztèques.
Juste à côté, voici l'un des bâtiments les plus étonnants de la ville : la cathédrale, dont la forme symboliserait la couronne d'épines du Christ. L'accoustique à l'intérieur de la salle souterraine circulaire est exceptionnelle : lorsque l'on murmure contre un mur, les voûtes des murs d'enceinte propagent les sons tout autour. L'intérieur se présente sous la forme d'un faisceau d'arches en béton encadrant des parois de verre laissant passer la lumière, un bel exemple d'union entre le verre et le béton. Planant au dessus de nos têtes, trois immenses anges disproportionnés semblent flottter dans les airs, étonnement garanti !!!
Dommage que nous n'ayons pas eu le temps de monter à la tour de télévision d'où, apparemment, l'on jouit d'une belle vue sur la forme d'avion que prend la ville. Tant pis, on imagine aisément.
Un arrêt s'impose au mémorial Juscelino Kubitschek, dédié à ce président qui fit construire cette ville en urgence afin qu'elle soit terminée avant la fin de son mandat... à un homme un brin mégalomane qui n'avait qu'un rêve, réalisé par ce pari fou.
Dernière belle image de l'urbanisme réussi de cette ville, la plus belle peut-être, celle que nous offre l'église Dom Bosco. D'aspect plutôt discret à l'extérieur, l'intérieur révèle des "murs" composés entièrement de milliers de morceaux de verre bleu et mauve de toutes les nuances. La luminosité et l'effet qui s'en dégage est splendide, félicitations au jeune architecte Niemeyer qui réussit un coup de maître par cette première oeuvre, ayant utilisé un lustre (pesant 2700 kg !) en crétal de roche pour servir de contre poids à la structure !
Décidément, Brasilia méritait bien une visite, pour comprendre, observer, s'interroger sur le sens de ce symbolisme extrême et l'avenir de cette ville-musée. On aime ou non, à chacun de se faire son opinion, mais voici en tout les cas une ville surprenante, attachante par certains côtés, destabilisante car tout à la fois anti-conformiste et structurée à l'extrême...
Dans la soirée, nous prenons un bus de nuit à destination de Belo Horizonte (12h de trajet), d'où nous rejoindrons directement demain matin Ouro Preto (2h de plus).