Ca y est, nous décolons ce matin, laissant le Costa Rica derrière nous. Un peu nostalgiques de quitter l'Amérique Centrale tout en sentant l'excitation monter à l'idée de nous retrouver au Brésil, et plus particulièrement en Amazonie... un mélange d'émotions contradictoires, de sensations difficilement exprimables, de retour en arrière et de paris sur l'avenir nous envahissent. Nous changeons de vol à Panama City, imaginant ce pays que l'on nous a décrit comme étant magnifique, on le croit aisément mais il nous a pourtant fallu faire des choix...
16h (14h au Costa Rica, 21h en France), la jungle amazonienne se dessine à perte de vue, gigantesque et semblant comme avaler la ville de Manaus, cette ville immense, fièvreuse et grouillante au nom qui véhicule bien des légendes et images d'ailleurs ; ce lieu loin, si loin là -bas... Vision hallucinante d'un autre monde, détentrice de bien des promesses, d'une autre vie chargée d'aventure et d'exotisme. Mais redescendons sur terre, il est tant de retirer de l'argent, d'acheter le prochain vol, de trouver un bus pour le centre-ville puis un hôtel.
Troisième voyage pour moi (Rebecca) au Brésil, dans un contexte bien différent cette fois. Les souvenirs, émotions et sensations d'alors se bousculent dans ma tête tandis qu'Oliv met des images sur un lieu bien souvent imaginé. Quel plaisir de venir non pour travailler cette fois (même si l'expérience auprès de la population et surtout des enfants était inestimable) mais pour prendre le temps de visiter et de connaître un peu plus ce pays immense, ce continent dans le continent, cette terre des contradictions, des inégalités sociales les plus flagrantes et de la démesure s'il en est...
Il faut aussi renouer le contact avec la langue, c'est bien difficile cinq ans après... en revanche c'est plus facile avec la nourriture et la caïpirinha (cocktail courant ici fait à bas d'alcool de canne à sucre, de citron vert, de sucre et de glace, ça détonne !). Pour l'accompagner, nous rentrons dans un petit restaurant-buffet de churrasco où les serveurs passent sans cesse en portant à bout de bras d'énormes morceaux de viande empalés au bout de broches gigantesques... Ajoutez à ces bonnes saveurs et odeurs la douce ivresse provoquée par la caïpirinha, la musique qui jaillit au coin des rues, et nous voilà déjà dans l'ambiance du Brésil, impatients de découvrir bientôt la région mythique que représente pour nous l'Amazonie.
Le lendemain, nous nous rendons dans plusieurs agences qui proposent des excursions dans la jungle afin de trouver quelque chose qui nous convienne. En effet, il est très fortement déconseillé de s'y rendre seul. Les agences sont nombreuses, nous nous faisons sans cesse accoster par les rabatteurs dans la rue, ce qui nous donne l'avantage de pouvoir négocier les tarifs. Tous proposent à peu près le même type de séjour dans les nombreux lodges dissiminés dans les environs, lodges confortables ou plus rudimentaires avec nuits en hamacs. La différence se fait essentiellement sur le nombre de participants et la qualité du guide, nous verrons bien...
Et puis c'est parti le lendemain pour trois jours inoubliables (cf. étape suivante) dont nous reviendrons ravis mais épuisés. Il nous reste un jour à passer à Manaus, nous profitons d'une bonne grasse matinée récupératrice sachant que nous dormirons peu la nuit suivante, prenant un vol pour Belém à 1h30 du matin. Ceci nous laisse l'après-midi pour nous imprégner de l'ambiance agitée qui règne à Manaus, ville qui connut son moment de gloire lors de la grande époque du caoutchouc (fabriqué grâce à la récolte du latex effectué par une saignée sur l'arbre "hévéa") de 1840 à 1900.
Aujourd'hui, si Manaus revêt un visage de port moderne et actif, elle est toujours hantée de vieux fantômes de fortune, d'exotisme et de rêves fièvreux comme le dit si bien John dos Passos ("Le Brésil en marche").
Nous y découvrons un marché bruyant, vivant, rempli d'odeurs inconnues, d'étalages divers, de bruits, de Brésiliens métissés qui s'activent en tous sens. Un lieu génial à l'agitation frénétique et aux 1000 saveurs. Nous y observons toutes sortes de fruits et d'épices, le magnoc sous toutes ses formes, des plantes médicinales et thérapeutiques ramenées de la forêt amazonnienne, des gris-gris afro-brésiliens, philtres d'amour, écorces, racines, amulettes... Il est déconcertant de fourrager parmi ce lieu où la sorcellerie se confronte sans contradiction apparente à la modernité, ou il est possible d'acheter des yeux de boto (poisson local) pour retrouver un amour perdu, ou d'utiliser la guarana râpée pour s'assurer force et puissance sexuelle...
De nombreuses marchandises, notamment les poissons, sont déchargés des bateaux accostés au port. Mais la plupart de ce derniers sont des bateaux de transit qui permettent de rejoindre, à condition d'être prêt à effectuer un long voyage dans des conditions parfois cahotiques, des destinations qui sentent encore bon l'aventure. Sur les ponts des vieux bateaux en bois aux noms évocateurs (mais il existe aussi des bateaux plus récents avec cabines), des rangées de hamacs s'étalent. Beaucoup de locaux et de voyageurs peu pressés remontent ainsi durant 4, 5 ou 8 jours l'Amazone jusqu'au Pérou, Bélem ou bien plus loin encore, et l'endroit dégage une atmosphère vraiment particulière.
Nous poursuivons jusqu'au vrai port flottant où l'ambiance bât son plein en ce samedi. La musique est partout et la bière coule à flot en cet après-midi étouffant. Beaucoup attendent ainsi d'embarquer pour de longs trajets...
Le centre-ville est beaucoup plus calme, moins envoûtant quoiqu'agréable et dévoilant quelques beaux bâtiments. Nous nous attardons notamment au théâtre, symbole de l'opulence de la ville à la fin du dix-neuvième siècle.
La journée à passé en un éclair, il est déjà 18h. Pour nous Manaus ne restera pas seulement la porte d'entrée de l'Amazonie mais également une ville qui recèle un charme particulier. Certes, on est très loin du petit port de pêche perdu au milieu de l'Amazonie, mais en cette mégalopole plutôt sale et agitée flotte comme un sentiment d'aventure et d'isolement, une impression d'ailleurs plus qu'ailleurs encore...
Nous récupérons nos affaires et rejoignons l'aéroport tant qu'il fait encore jour. Il est tôt, notre vol n'est qu'à 1h30 du matin mais, n'ayant pas d'hôtel, nous préférons attendre à l'aéroport (il n'est pas du tout prudent de rester dans les rues le soir au Brésil, surtout avec ses affaires avec soi).
PS : Vous aurez remarqué que les images n'accompagnent pas notre récit cette fois, à notre grand regret... Pourtant nous avions pris quelques beaux clichés des bateaux et du marché notamment, mais nous nous sommes fait braquer notre appareil photo le lendemain lors d'une agression à Belém (cf. étape Belém). C'est vraiment regrettable même si nous savions très bien que cela nous arriverait tôt au tard, l'Amérique Centrale et du Sud en général mais plus particulièrement le Brésil étant des lieux où il est difficile de voyager, même en prenant toutes les précautions du monde, sans avoir de problèmes (essentiellement des vols pour la plupart des voyageurs). Tant pis, ces images, à défaut d'être immortalisées sur papier, le sont dans nos esprits, et nous gardons le sourire, le Brésil ne devant surtout pas être considéré uniquement comme un pays dangereux.