Il est très tôt lorsque nous prenons un bus en direction de Tikal, à un peu plus d'une heure de route de Flores. Une fine pluie commence à tomber puis se transforme en grosse averse tropicale alors que nous effectuons nos premiers pas dans la jungle...
Cela ajoute à l'envoutement qui règne ici, l'ambiance mystèrieuse et secrète qui se dégage de cet environnement grandiose. Les ruines sont perdues au plein milieu de la jungle, et l'immensité du site, le plus étendu de toute l'Amerique Latine et le plus sauvage peut-être, permet de se retrouver vite seuls et isolés sur les chemins, entourés des seuls bruits de la nature...
Si aujourd'hui encore personne ne sait pourquoi les Mayas vinrent s'installer dans cet environnement hostile, toujours est-il qu'ils arrivèrent bel et bien ici au VIIe siècle av. Jésus-Christ. Pourtant ce sera seulement à partir de 250 ap. Jésus-Christ (et jusqu'en 900) que la cité connaîtra son apogée et sa toute puissance, époque où elle compta jusqu'à 50000 habitants dont pas moins de 10000 rien que dans le centre cérémoniel... De nouvelles pyramides, immenses, ne cessent alors de voir le jour, comme celles de la Plaza Mayor.
Ces deux gigantesques pyramides se faisant face s'imposent à nous d'un coup, comme sorties de nulle part... Le temple du Grand Jaguar, immense, abrita pendant longtemps, à 6m sous terre, la chambre funéraire du souverain Ah Cacao, contenant son squelette et pas moins de 8kg de bijoux en jade !
Lui faisant face, le temple des Masques fût construit en l'honneur de son épouse. Nous prenons plaisir à grimper au sommet, puis sur l'acropole nord, un amoncellement de palais et structures construits sur 12 niveaux différents, les Mayas ne détruisant jamais rien mais superposant les nouveaux édifices aux anciens, telles des poupées russes. Cette acropole abrite un très beau masque de Chac, le dieu de la Pluie.
Le site de Tikal impressionne autant par sa splendeur et la magie qu'il dégage, son côte mystique que pour la sauvagerie des lieux qui l'entourent... Il faut dire que la jungle a reprit ses droits depuis l'abandon des lieux vers l'an 900. Les pluies tropicales, les plantes et l'humidité ont d'ailleurs détruits une bonne partie des inscriptions, empêchant à jamais les hommes de percer les mystères de cette cité... Aujourd'hui il s'agit d'un véritable refuge pour les serpents, singes hurleurs, coatis, fourmiliers, tapirs, oiseaux... malheureusement difficiles à apercevoir sous la pluie.
Bientôt apparaît le temple IV, splendide pyramide de presque 65 m de haut complètement enfouie sous la végétation. La montée au sommet est extrêmement glissante mais la vue est étourdissante... Nous sommes subjugués par la vision qui s'offre à nous, la plus impressionnante peut-être de toutes celles des ruines mayas, si ce n'est la plus inoubliable...
D'ici, nous dominons complètement la végétation très dense qui s'étend à perte de vue et parmi laquelle transpercent les sommets des pyramides de Tikal. Une symbiose unique entre la pierre et la jungle, une vue incroyable dont il est difficile de détacher les yeux...
Nous découvrons plus loin le "Monde Perdu", autre ensemble de ruines qui porte bien son nom et dégage un attrait certain, une atmosphère intimiste, un peu secrète. La pyramide centrale faisait office d'observatoire astronomique. Aujourd'hui ce sont les toucans (l'emblême national du Guatemala), ces oiseaux si difficiles à apercevoir, qui ont pris possession des lieux.
La place des Sept Temples, juste à côté, est un autre enchevêtrement subtil entre la jungle et les édifices, un bien bel endroit.
La dernière magnifique surprise que nous dévoile Tikal se trouve au temple V, cette pyramide de 57 m dont l'une des façades a été entierement dégagée de la jungle et superbement restaurée (par Coca-Cola contre 25 ans d'exclusivité de ses boissons !!!), sans parler de la vue dont on jouit depuis le sommet, qui vaut largement celle du temple IV !
Comment rester de marbre face à cette civilisation qui bâtit, pendant des siècles, de si beaux hommages aux dieux ?
Après environ 6h de visite, nous abandonnons Tikal à la jungle qui l'entoure pour rejoindre Flores. Décidément, plus nous visitons de sites mayas et plus nous sommes impressionnés par leurs différences et la splendeur propre à chacun...