Le bus qui nous mène d'Arequipa à Puno n'a rien à voir avec celui que nous avons pris pour arriver au Pérou, il est tout confort (bus cama) avec des sièges rabattables, la TV et même des toilettes, le luxe... Pas matinaux, nous partons à 14h pour arriver à Puno vers 19h. Les paysages de l'Altiplano, les troupeaux de lamas et les petits villages d'altitude qui nous ont ravis tout l'après-midi laissent alors la place à une ville plutôt sale et moyennement agréable...
Ce n'est pas la ville qui nous intéresse lors de cette étape, mais surtout le lac Titicaca situé juste à côté, sans oublier un autre lieu moins connu mais pourtant intéressant, le site de Sillustani.
Dès le lendemain après-midi nous prenons la route vers ce lieu situé à 40 km de Puno. Que la route est belle cette fois encore... Cela fait plusieurs mois que nous traversons les paysages de l'Altiplano mais pourtant ils nous émerveillent toujours autant. Il faut dire que le Pérou n'a rien à envier à ses pays voisins. Un ciel bleu et très pur comme toujours, de l'espace et des petites maisons ou villages traditionnels isolés dans la campagne péruvienne... La vue sur Puno, quant à elle, n'est pas exceptionnelle...
Les paysans travaillent aux champs ou s'occupent des lamas, alpagas et autres animaux qu'ils possèdent. Pour les cultures, il leur faudra attendre la saison verte comme on dit ici, soit à partir du mois de janvier, car pour l'instant le climat ne permet pas aux aliments de pousser. Ici on ne connait que deux saisons, la saison sèche (actuellement) et la saison des pluies qui commence en novembre ou décembre, période où tout devient vert. Actuellement le soleil règne et pas une goutte de pluie ni même un brin de neige malgré la hauteur des sommets, le climat de l'Altiplano est vraiment particulier...
Le site de Sillustani, dominant le lac Umayo, s'étend sur une presqu'île qui s'avance dans une très belle lagune. Certains riches pré-Incas puis Incas choisirent ce lieu comme dernière demeure dans le but de se rapprocher du ciel (nous sommes ici au sommet d'une colline, à 4000m d'altitude !). Pour les Incas et leurs prédécesseurs, la vie est toujours présente après la mort, l'âme continue à vivre, raison pour laquelle les momies sont parées de leurs plus beaux bijoux et entourées de tous les éléments de la vie courante : vêtements, coca, nourriture, coffres, bijoux... (toute ces richesses qui furent tant convoitées par les Espagnols par la suite).
Ces peuples firent construire ici de magnifiques tombes funéraires (on en compte pas moins de cinquante au sommet de la colline) en pierre et sur plusieurs niveaux. Elles sont bien différentes selon les personnes à qui elles furent destinées, Incas ou pré-Incas. Les hommes appartenant à la civilisation Collas furent les premiers à construire ces tombes ici entre 1200 et 1440 ap. J.-C., bien avant l'arrivée des Incas.
De 1440 à 1535, les Incas arrivèrent ici et construisirent également des demeures funéraires mesurant plusieurs dizaines de mètres de haut mais dans un style bien différent, beaucoup moins brut. Les tombes incas se reconnaissent également par leurs ouvertures toujours situées à l'est : il était essentiel pour ce peuple de faire pénétrer les momies par ce côté symbole de vie et donc de réincarnation. En fait la domination des Incas n'aura duré qu'un siècle et leur seul apport vraiment créatif se situe dans l'architecture dont nous avons un bon exemple ici : des bâtiments construits grâce à des pierres taillées de manière à s'emboiter parfaitement, si bien ajustées qu'il n'est besoin d'aucun ciment ou autre matériel pour les relier et que même une lame de couteau ne passe pas entre elles.
A part cela, même si les Incas frappent l'imagination en partie par les trésors cachés et tout l'or qu'ils enterrèrent, il faut bien admettre que leur réputation est exagérée : ils n'ont pas amené grand chose de nouveau, vivaient sous le principe de la hiérarchie et de la dictature (mais heureusement, grâce au principe de juste répartition et d'échanges en ce temps où le commerce n'existait pas, une partie des peuples soumis vivaient "correctement") et leur puissance résidait surtout dans le fait de conquérir puis de s'approprier les découvertes des civilisations antérieures...
Le lieu est chargé d'histoire et d'émotion, un endroit à découvrir pour se familiariser un peu avec les coutumes de ces civilisations pas si lointaines mais pourtant si différentes de nous. Par exemple, nous découvrons le lieu où les Incas, ces fils du Soleil, pratiquaient les sacrifices rituels, d'animaux ou d'humains, effectués chaque année afin que le Dieu Soleil leur épargne maladie et souffrance.
Sur le chemin du retour, le guide nous propose de nous arrêter dans l'une des nombreuses maisons traditionnelles indiennes que nous croisons. Chaque maison est construite sur la forme d'un rectangle, soit complètement entourée d'un mur et organisée autour d'une cour intérieure faisant office de place centrale. Les toits sont recouverts de chaume et, systématiquement, de deux petites statuettes de boeufs qui, selon la croyance, protégent la maison et y amènent travail et fertilité.
Les gens parlent encore ici la langue des Incas (qui était déjà parlée par les civilisation pré-incas), le quechua, et vivent en élevant quelques lamas, cuy (cochons d'Inde) et alpagas ; les femmes tissent quelques vêtements en laine d'alpaga qu'elles vont vendre ensuite. Les traditions sont encore essentielles et les habitants, comme leurs ancêtres, vénèrent encore la Pachamama, la "Terre-Mère" qui protège les cultures et la nature, assure ou non de bonnes récoltes... A l'occasion de certaines fêtes des offrandes lui sont faîtes, les paysans lui apportant alors le meilleur de leur récolte et, avant de boire un liquide, il n'est pas rare qu'ils en versent quelques gouttes sur le sol en son honneur.
Les habitants nous accueillent agréablement et nous font goûter différents aliments comme le thé de Mounia, les graines de quinoa servant notamment à faire les soupes, le fromage... une belle rencontre !
Retour à Puno alors qu'il fait nuit, nous nous renseignons pour nous rendre sur le lac Titicaca demain, impatients de découvrir ce lac que nous ne connaissons que de nom pour le moment...