Nous pensions la grève finie ce matin mais non, les routiers ont décidé de continuer à manifester en bloquant les routes pour une durée indéfinie. Aucun bus ne circule mais quelques taxis se sont organisés pour permettre le passage. Il nous faut d'abord rejoindre le blocus puis le traverser à pied (les camions s'alignent sur 700 ou 800m) avant de retrouver un taxi derrière qui nous emmenera à Potosi où il nous faudra de nouveau traverser à pied le barrage pour entrer dans la ville. Nous ne sommes pas du tout rassurés à l'idée de prendre tant de taxis vu la réputation de ceux-ci en Bolivie, mais pourtant c'est la seule solution...
Ce blocage provoque bien des problèmes ici : de nombreuses choses manquent comme l'essence ou le gaz, ainsi notre chauffeur s'arrête dans tous les villages pour tenter d'en trouver. La route entre Sucre et Potosi nous offre de superbes paysages montagneux et l'occasion d'observer les cultures en terrasse et les Boliviens s'activant à divers travaux dans les champs, semant, récoltant ou menant brouter leurs troupeaux de chèvres et de vaches, de belles images de la Bolivie rurale...
Trois heures plus tard, même manoeuvre pour entrer à Potosi. Les routiers font fuir les taxis et bus qui arrivent jusqu'ici à coup de dynamite, mieux vaut ne pas s'attarder. Enfin, ça y est, nous voici en sécurité à Potosi, l'une des villes les plus hautes du monde car située à plus de 4000m d'altitude ! Heureusement nous ne sommes pas sujets au soroche (le mal d'altitude des Andes) même s'il nous est parfois difficile de respirer ici, surtout la nuit. Nous trouvons un hôtel sympa avec eau chaude et chauffage, génial vu le froid cinglant qui règne ici la nuit !
Le lendemain, Potosi nous apparait comme une ville très animée, il y a toujours foule dans les rues. Aux bâtiments blancs de Sucre succèdent les couleurs qui tapissent les murs, deux villes Boliviennes au charme certain mais très différent. Ces couleurs ont été obtenues à partir de pigments provenant du Cerro Rico, cette montagne qui domine Potosi, a écrit son histoire et lui donne encore son identité actuelle de ville minière.
Chaque rue possède son charme et nous cherchons les plus jolies et colorées de cette ville classée à la fois au patrimoine naturel et culturel de l'humanité. Il est vrai que Potosi est l'une des plus belles villes baroques d'Amérique du Sud, la plupart des bâtiments coloniaux et des églises (pas moins de 16 !) ayant été construits du dix-septième au dix-neuvième siècle du temps de l'extrême prosperité de la ville.
Cette richesse provenait de l'exploitation, durant trois siècles, des mines d'argent creusées dans le Cerro Rico. Le métal, alors vendu en Europe, rapportait gros mais en contrepartie de cette richesse des miliers d'Indiens sont morts d'épuisement ou d'empoisonnement suite à l'inhalation répétée des vapeurs de mercure, état de fait qui malheureusement perdure encore de nos jours (cf. étape suivante sur la visite de l'une de ces mines).
Cette période fut celle de la démesure, de superbes bâtiments comme la cathédrale (actuellement fermée pour cause de travaux) furent construits. Celle-ci fait face à la place 10 de Novembre, le coeur de la ville où se retrouvent notamment beaucoup d'Indiennes et leurs enfants. C'est sûr, s'y attarder quelques instants sous le ciel bleu et intense qui la domine en observant la vie alentour est l'un des charmes de Potosi...
La vie bât son plein dans cette ville, difficile de se croiser sur les trottoirs et d'éviter les minibus qui crient à la volée leur destination, et ça grouille encore plus au marché où l'on trouve absolument de tout, notamment de nombreuses plantes médicinales et des feuilles de coca. Les Boliviens y boivent sur le pouce de grands verres de boissons gardées chaudes grâce à des pierres brûlantes déposées au fond des verres.
Les tissus colorés des magasins nous attirent, de même que les différents objets d'artisanat et les instruments de musique traditionnels come les charangos (l'adaptation bolivienne des violes de gambe italiennes), d'autant que les prix en Bolivie sont vraiment attractifs par rapport aux autres pays d'Amérique du Sud ! Différents villages des environs revendiquent la création de cet instrument de musique que l'on retrouve dans presque tous les groupes de musique andins. Mais à défaut de joueurs de charango, nous croisons aujourd'hui une fanfare qui donne le rythme à des danseuses traditionnelles.
Le temps file, déjà 17h passées, nous grimpons au sommet de l'église de la Compaña de Jésus d'où nous profitons d'une belle vue sur les toits de la ville, les autres églises et le Cerro Rico bien sûr.
La vue d'hier soir était sympa mais nous avons repéré une église d'où la vue sur le Cerro Rico doit être plus dégagée, et comme on adore les vues depuis les toits, c'est parti ce matin pour visiter l'église de San Francisco. Mais ce sont d'abord dans les bas-fonds, les catacombes que nous pénétrons. De nombreux crânes, dont quelques-uns d'enfants (à la présence inexpliquée) gisent ici, un endroit à vous glacer les os...
Vite, quittons l'humidité pour retrouver le ciel toujours bleu qui domine Potosi... Nous marchons sur le toit de l'église jusqu'à atteindre le clocher, avec l'impression de tout voir de la ville sans que personne ne nous remarque, sensation géniale...
Il n'y a pas photo, la vue sur les toits et le Cerro Rico vaut cent fois celle d'hier ! Ce moment restera le plus chouette de notre visite de Potosi, impossible d'oublier cette vue et cet instant où nous dominons cette ville minière à l'histoire mouvementée, cette ville magnifiquement adossée au pied des mines qui contribuent encore douloureusement à la nourrir comme nous le découvrirons en les visitant l'après-midi (cf.étape suivante).
Le lendemain il reste un bâtiment que nous voulons visiter avant de prendre le bus pour Uyuni, la "Casa de la Moneda", le plus grand et le plus important bâtiment civil colonial des Amériques. Ce bâtiment se visite exclusivement avec un guide et, coup de chance, nous tombons sur un groupe en français (que de français ici !) et recroisons un couple de français sympa qui étaient avec nous hier.
Ce bâtiment, édifié au dix-huitième siècle nous intéresse car il est possible d'y observer la manière dont était frappée ici la monnaie jusqu'en 1909. De nombreuses pièces sont exposées ici en souvenir, souvenir seulement puisqu'aujourd'hui la monnaie bolivienne est fabriquée... en Espagne !
Tout le matériel qui servait à frapper la monnaie est encore ici. Difficile d'imaginer que, jusqu'en 1869, ce sont des esclaves qui actionnaient du sous-sol les énormes engrenages de bois et machineries de presse qui frappaient la monnaie. Ils furent remplacés ensuite par des chevaux puis des machines à vapeur qui effectuèrent ce travail jusqu'en 1909.
La visite dure deux heures car ce bâtiment ne contient pas que ces pièces (les plus intéressantes) mais s'est transformé en immense musée depuis 1930. Meubles coloniaux, argenterie, pierres précieuses, il y a foule d'objets à regarder.
Mais nous ne finirons pas la visite, il nous faut récupérer nos sacs et attraper un combi si nous voulons prendre le bus de 12h30 pour Uyuni, point de départ d'une excursion vers les plus beaux paysages boliviens que nous attendons avec beaucoup d'impatience...