Voler avec la compagnie LAN Chile, c'est le top : un avion confortable, de la bonne nourriture et même des films en français ! Tant mieux puisque de toute façon nous n'avons pas eu le choix, c'est la seule compagnie qui assure des vols vers l'île de Pâques. Au vu des prix des vols retours disponibles, nous y resterons une bonne semaine, soit bien plus longtemps que prévu au départ, mais cela ne nous dérangera pas tant la découverte de cette île est passionnante.
L'île de Pâques et ses centaines de moai, une destination bien énigmatique... Après 5h de vol, nous approchons de cette île minuscule (23km sur 12km !), l'une des plus éloignée au monde de toute terre habitée puisque située à plus de 3760km de Santiago et 4100km de Tahiti. Nous distinguons ses grandes étendues vertes, ses côtes déchiquetées et certains des volcans, aujourd'hui éteints, qui la créérent.
Ce qui fait la beauté et le mystère de cette île et nous a attiré jusqu'ici, ce sont avant tout son isolement et les moai qui l'habitent bien sûr, mais également l'absence de certitude sur son histoire, puisque la mort des Maori rango rango (suite à leur déportation en 1863) a provoqué la perte définitive de la connaissance du passé de l'île. Peut-être les premiers habitants arrivèrent-ils des îles Marquises il y a 1500 ans, mais, même si l'on parle souvent d'un roi, Hotu Matu'a, qui aurait débarqué sur l'île avec ses six fils, rien n'est sûr... Une île où rien n'est que suppositions, rêves et fantasmes, gardée par des moai qui la veillent en sentinelles fidèles.
A l'aéroport, plus qu'à choisir une hospedaje parmi celles des propriétaires qui se pressent pour nous convaincre de les suivre. Nous optons pour une petite pension familiale en plein centre et découvrons ainsi Hanga Roa, l'unique ville de l'île qui rassemble la majorité des habitants (3500 seulement !). Ils sont nombreux à vivre du tourisme et leur accueil, quoiqu'assez distant, nous met à l'aise. En fait, Hanga Roa ressemble plutôt à un gros village simple et agréable, situé à quelques centaines de mètres de la mer. Vers le petit port, nous découvrons les premières statues, statues non originales mais sculptées lors des concours annuels qui affrontent les meilleurs sculpteurs de l'île.
Longuemment, nous observons la mer et ses vagues fracassantes qui se jettent contre les rochers, nous ne nous rappelons pas en avoir jamais vu d'aussi énormes ! Mais comment font ces surfeurs pour éviter les rochers ???
Les moai, visibles au loin, nous attirent, il est tant de les approcher enfin... Ces statues fascinent, intriguent, questionnent... et c'est à pied que nous allons à la rencontre des premières d'entre-elles, celles de l'ahu (nom des plate-formes cérémonielles qui supportent les moais) Tahai. Face à nous, des statues imposantes qui, comme presque toutes et pour une raison inconnue, tournent le dos à la mer. Une seule certitude, elles furent construites par différentes tribus entre l'an 800 et l'an 1700. Plus de 700 moai furent ainsi érigés, un travail colossal quand on voit le souci des détails, la taille et le poids de ces statues ! Chacune des tribus construisait ses propres moai, leur donnant différents visages et formes selon les ancêtres fondateurs qu'ils personnifiaient. Une fois érigés, ils avaient pour mission de protéger durablement leurs descendants, de veiller sur eux.
L'une des trois plate-formes qui compose cet ahu nous intrigue particulièrement car elle supporte un moai solitaire, le Ko To Riku, le seul de l'île qui possède encore ses yeux (tous les autres ayant été arrachés puis jetés à la mer par des ennemis). Ces yeux de corail, dont l'iris est en obsidienne, représentaient le visage vivant d'un ancêtre particulier qui pouvait alors, à travers eux, protéger ses descendants.
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Les moai sont ainsi dispersés sut toute l'île et le mieux, pour les approcher dans le calme et à son rythme, est de louer une voiture ou un scooter. En effet, si l'île est petite, il n'est cependant pas aisé de rejoindre la majorité des sites à pieds. Nous optons pour une voiture que nous garderons trois jours (faisable aussi en scooter quoique certaines routes ne soient pas goudronnées et parfois un peu dangereuses). Bien sûr, il est possible de visiter l'île plus rapidement (en 2 jours, tranquillement, puisqu'on fait le tour en une heure de voiture !), mais nous avons du temps et décidons d'en profiter pour rester longuemment sur les sites, pouvoir les explorer tous et y revenir lorsque la lumière est différente, marcher, profiter de la plage... Pour plus de clarté, nous vous proposons des photos des sites les uns après les autres, même si en fait nous y sommes souvent retournés plusieurs fois !
C'est parti sur les pistes en terre, et notre première impression est que cette île est quasi inhabitée dès que l'on quitte Hanga Roa : personne mis à part des centaines de chevaux en liberté ! L'île est très verte, les chemins souvent en terre (vive le 4x4) et c'est un immense sentiment de liberté qui nous envahit... La fraicheur de la mer, le vent, le soleil, le silence, les prairies, le mystère et la magie des moai présents partout et que nous observons parfois dans une solitude totale, une grande bouffée d'oxygène et d'air pur... Beaucoup des moai, tels ceux de l'ahu Vinapu ou les huit statues qui composent l'ahu Hanga Te'e, sont tombés et n'ont pas été relevés, restant figés face contre terre.
L'un des plus grands moai de l'île, l'ahu Ura Uaranga Te Mahina, qui atteignait 10m de haut avec son pukao (chapeau de pierre rouge, sorte de chignon que portent beaucoup de moai), est également renversé à terre. La majorité des moai ont été érigés près de la côte, mais pourquoi ? Pour repousser d'éventuels ennemis venant des mers ? Pouquoi ne faisaient-ils pas face à la mer ? Les Pascuans en avaient-ils peur ?
Certains moai, tombés lors du trajet, ne sont jamais arrivés jusqu'à leur destination. Ils sont nombreux ainsi, isolés à différents endroits de l'île, cassés, âbimés par le temps et la terre, simple tas de pierres énigmatiques laissés là , parmi les prairies et les chevaux qui broutent juste à côté.
Les plus majestueux et les plus beaux sont certainement ceux regroupés sur le volcan Rano Raraku. C'est ici, dans cette roche, que furent sculptés la majorité des moai de l'île. Sur les pentes du volcan, plusieurs centaines de statues parfois inachevées semblent nous fixer. Couchées, droites, penchées, à terre, à peine commencées ou finies déjà , ces centaines de moai témoignent de la détermination des tribus à vénérer leurs ancêtres.
Elles étaient construites ici à l'aide de pics et de haches polies de basalte, sculptées directement dans la roche ou à l'intérieur de grottes crées artificiellement. Commençaient alors des mois de labeur : d'abord était taillée la face, puis le dos et pour finir une rampe de lancement destinée à être brisée lorsque le moai était prêt à être transporté.
Quelle patience, quel travail... les tribus entraient en compétition pour construire les plus beaux et les plus grands moai, ainsi le plus grand sculpté (mais jamais transporté) mesure plus de 21m et pèse 180 tonnes !
Le site est magnifique, nous y passons plusieurs heures et y reviendrons trois ou quatre fois en trois jours, pour l'admirer notamment à la lumière du matin, à l'heure où nous l'avons pour nous seuls...
Nous grimpons au centre du cratère, où sont également figées des centaines de statues souvent inachevées, certaines dont le nez dépasse à peine de terre ! Le fait que ces statues n'aient pas eu le temps d'être terminées et déplacées laisse supposer que la fin du culte des moai fut fulgurante. Rien de sûr quant aux causes : peut-être un renversement du pouvoir royal des Miru et avec lui du culte des moai, ou une longue série de cataclysmes naturels (tsunami, sécheresse) qui aurait poussée les tribus à délaisser ces ancêtres protecteurs inefficasses... Quoiqu'il en soit, ils demeurent gardiens des lieux et leur mystère les rend plus envoûtants encore.
Les lieux sont très beaux, entre le cratère et les chevaux s'y baignant prudemment. Ce site nous donne à méditer sur la notion de patience et de persévérance. Car il fallait non seulement les construire, ces moai protecteurs, mais également les transporter, la plupart pesant plusieurs dizaines de tonnes. Un casse-tête d'imaginer comment les Pascuans ont pu parcourir parfois 20 km avec les moyens techniques peu développés de l'époque.
Retour à la notion de patience... et de nombre ! L'une des hypothèses la plus probable est qu'ils faisaient glisser les moai ventre à terre sur un traineau, posé ou non sur des rondins et construit avec des troncs d'arbres. L'autre théorie est que le moai était dressé d'abord puis qu'ils le faisaient pivoter centimètre par centimètre, debout, à l'aide de cordes... Imaginez la patience, la coordination des efforts, le temps et le nombre de personnes nécessaires pour que, comme le raconte la légende, les moai rejoignent leur ahu en dansant...
Etre là rappelle ce qu'est la vraie croyance et la force du temps et du nombre. Combien de ces moai, à peine sortis de terre, n'ont pas été cassés en cours de route (environ 30%...), tant d'efforts alors à fournir de nouveau suite au moindre faux mouvement, à la moindre fatigue. Ce site, lieu qui se fait magique aux dernières lueurs du soleil, juste avant que les moai ne retournent dans l'obscurité, est à nos yeux le plus énigmatique de l'île.
Depuis le cratère Rano Raraku, la vue sur l'ahu Tongariki, en front de mer, est très belle et nous pousse à approcher davantage ces 15 statues géantes alignées sur un ahu long de 200m. Un lieu superbe, surtout à la lumière du soir !
L'île de Pâques, c'est le mystère, l'admiration, le respect, une nature vierge, le déchainement de la mer, les côtes sauvages et des kilomètres de balades à inventer. Trois jours en voiture, c'est l'idéal pour rêver, pique-niquer et vraiment profiter des lieux, de la côte superbe partout et notamment entre l'ahu Tongariki et la baie d'Ovahe. Attention, ça secoue, pas de goudron ici !
Les routes se font de plus en plus mauvaises alors que nous approchons de la baie d'Ovahe et nous ne regrettons pas le 4x4 ! Des dizaines de chevaux, la mer et des sentiers conduisant à de petites criques isolées et bassins naturels, encore un bel endroit sauvage.
L'île de Pâques possède aussi une plage magnifique, celle d'Anakena. Nous n'aurions jamais pensé nous baigner en mai ici ni même trouver une si belle plage, et pourtant ! L'eau est fraîche mais agréable vu la chaleur et c'est tellement le bonheur qu'on passe une après-midi entière à profiter de la plage, du sable blanc, des cocotiers et de l'eau transparente...
Voici sûrement l'un des lieux les plus attirants de l'île et nous y reviendrons à plusieurs reprises, cherchant la meilleure lumière pour photographier les moai qui dominent la plage. Ces ahus ont été restaurés, les moai étant restés longtemps enfouis dans le sable. Cependant ils sont bien conservés, leurs longues oreilles sont bien distinctes ainsi que les symboles, dans leur dos, évoquant les éléments naturels. Mais, bien sûr, c'est aussi le cadre qui fait la beauté de ces sept moai qui dominent la mer parmi les cocotiers.
Nous pensions avoir emprunté les plus mauvaises routes de l'île, mais non, celle qui passe près de l'ahu Akivi et de l'ahu Tepeu avant de rejoindre Hanga Roa par la côte est bien plus cahotique encore ! Mais cela rajoute à la simplicité de l'île et les paysages sont beaux, bucoliques et verdoyants tout autour du volcan Maunga Otu'u.
Nous effectuons un premier arrêt à Puna Pau, un petit cratère de scories d'où était extraite la roche servant à réaliser les pukao, ces couvre-chefs qui ornaient les moai. Les pukaos étaient très lourds (leur poids moyen dépasse les 15 tonnes !) et on ne sait pas s'ils étaient fixés sur le moai avant ou après que celui-ci n'ait été redressé. Puis voici l'ahu Akivi, ahu spécial car le seul dont les moai soient tournés vers la mer. Mais il faut dire que celle-ci n'est pas tout près ! Plus loin, la grotte Te Pahu, énorme tunnel de lave que nous empruntons, nous rappelle les origines volcaniques de l'île.
Si ces sites ne sont pas les plus beaux de l'île, il est sympa d'y venir pour profiter des paysages et surtout des beautés de la côte ouest. Des bosses, des trous, ça brasse, mais ça fait partie du charme de cette île encore en grande partie à l'état sauvage. Les côtes escarpées, l'espace, et une solitude à peine perturbée par le bruit fracassant des vagues contre les rochers...
A l'ouest de l'île se trouvent deux autres très beaux sites, le volcan Rano Kau et le village d'Orongo (accessibles à pied, mais c'est loin et ça grimpe, mieux vaut être motorisé !). La montée permet de profiter de beaux panoramas sur l'île qui semble encore plus minuscule, nous l'embrassons presque entièrement du regard. Puis voici le volcan Rano Kau, étonnant de par sa forme ronde parfaite qui semble presque tracée au compas. La caldera, large de 1600m et profonde de 200m, est emplie de petits lacs et présente une brèche inquiétante du côté de la mer...
Les Pascuans ont choisi la présence de ce cratère d'un côté et de la mer de l'autre pour construire le village cérémoniel d'Orongo, village où fut célébré, du dix-sept au dix-neuvième siècle, le culte de l'homme oiseau. Tous les ans, chaque tribu envoyait ici un serviteur qui avait pour tâche de trouver et de rapporter à la nage le premier oeuf d'un oiseau du Motu Nui, île située en face du village. Le premier revenu était peint en rouge, ses sourcils, sa tête et ses cils étaient rasés alors qu'il était nommé homme-oiseau et conférait ainsi le pouvoir à sa tribu pour l'année à venir. Des centaines de petits pétroglyphes représentant l'homme-oiseau ou Make-Make, le dieu créateur des Pascuans, sont bien visibles sur les sites.
Le lieu est sympa mais aucun moai n'y reste et nous aurons préféré les sites de Rano Raraku, Anakena ou Tongariki.
Ces trois jours en voiture ont passés en un éclair mais nous en avons réellement profité, ayant eu tout le loisir de prendre notre temps et de retourner plusieurs fois sur nos sites préférés. Cette île est tout simplement géniale...
Il nous reste encore deux jours pleins avant notre vol. Nous avions peur de nous ennuyer un peu mais non, nous passons du temps à choisir quelques souvenirs, faire la grasse matinée, trier les photos (dur dur !!!) et retourner à pied revoir les ahu les plus proches. Et on ne pouvait décemment pas repartir sans voir une dernière fois l'ahu Tahai au coucher du soleil !
S'il n'est pas forcément nécessaire de rester une semaine à l'île de Pâques, le temps y passe vite et, c'est certain, cette île vaut 1000 fois le détour !!! Une île envoûtante et mystérieuse, simple et authentique car pas encore détruite par le tourisme de masse.