La plage, le bruit des vagues, les bonnes odeurs de poissons, les palmiers... bienvenus à de San Juan del Sur, sur la côte pacifique du Nicaragua, où nous sommes restés trois jours.
Partis vendredi matin de Granada, nous n'avons pas échappé aux trois changements de bus et aux trajets debout pour venir jusqu'ici. La musique à fond la caisse, des bus en bien mauvais état et deux fois plus de monde que de place, un "adjudent" qui crie à la volée la destination dès qu'il croise quelqu'un, des vendeurs ambulants qui montent sans cesse, proposant boisson ou nourriture (souvent de la viande recouverte de fromage enroulée dans des feuilles de bananes, ou des sucreries) dans de petites bourses en plastiques que les Nicaraguayens achètent sans arrêt, vous voici dans les bus du Nicaragua !!! Une véritable institution ces repas d'ailleurs, parfois achetés par les fenêtres, mangés rapidement à la main dans les bus et dont les déchets finissent immanquablement balancés par les fenêtres.
Trois heures plus tard, nous voici à San Juan del Sur, étape ajoutée en cours de route et qui se trouve être une petite ville assez isolée et bien agréable. Ce gros village est à taille humaine et paisible. Les locaux sont encore bien plus nombreux que les touristes et, comme toujours au Nicaragua, très sympas. Et n'oublions pas les plages, larges et bordées de palmiers... C'est sûr, on est loin des Caraïbes et de ses eaux transparentes bordées de sable blanc, mais les plages du Pacifique sont belles également, sauvages et préservées.
Si nous avons souhaité venir ici, ce n'est pas pour surfer comme la plupart des arrivants mais pour nous rendre au refuge de vie sylvestre la Flor, plage sur laquelle les tortues viennent par miliers durant certaines nuits pour pondre leurs oeufs.
Nous nous adressons à l'auberge Casa Oro, la seule à proposer une excursion emmenant chaque soir des visiteurs observer les tortues. Nous arrivons sur la plage vers 20h après trois quarts d'heure de pick-up, et commencons, accompagnés d'un guide de la réserve, à attendre en espérant qu'une tortue viendra ce soir... Elles viennent pondre sur cette plage, où elles-mêmes sont nées, entre les mois de juillet et de février, en sept ou huit vagues successives. C'est alors des miliers de tortues (qui pèsent entre 30 et 300 kgs selon les espèces) qui débarquent ici la même nuit et pondent une centaine d'oeufs chacune (chaque tortue vient en moyenne deux fois par an) avant de repartir dans les profondeurs de l'océan.
Nous sommes à la fin d'une vague d'arrivée et ne sommes donc pas assurés de voir les tortues, peu nombreuses durant ces périodes. Pourtant nous aurons de la chance et en verrons deux durant la nuit !!! Il ne faut surtout pas s'approcher de la tortue le temps qu'elle rejoigne la plage de peur qu'elle ne reparte, ni l'éclairer (nous avons seulement de petites lumières rouges et interdiction d'utiliser des flashs bien sûr), mais, une fois qu'elle a commencé à pondre, elle entre en trance et notre présence ne la dérange plus. Nous approchons alors à quelques centimètres d'elle, sidérés... Pendant 15 minutes environ, elle pond une quantité impressionnante d'oeufs dans un trou de 30 cm environ qu'elle a creusé dans le sable. C'est magique, et si exceptionnel (en Amérique centrale, elles sont observables également vers León et dans deux ou trois endroits du Costa Rica)... Puis, utilisant avec soin ses pattes arrières, elle recouvre de sable le nid. Elles semble épuisée, fait des pauses, et une fois son devoir achevé, rejoint rapidement la mer et disparaît dans les vagues, nous laissant subjugués...
Comme l'instinct animal est surprenant... Les oeufs incuberont pendant 30 à 45 jours sous le sable puis le miracle aura lieu comme nous le découvrons un peu partout sur la plage. En quelques heures, nous observerons l'éclosion de 4 ou 5 nids, de toutes petites tortues qui sortent brusquement de la terre dans un effort dédespéré pour rejoindre la surface. A chaque fois, 10 ou 15 petites têtes seulement émergent et se poussent difficilement vers la surface, la lutte pour la survie est difficile...
Les yeux plein de sable, désorientées, épuisées et bien vulnérables, il leur faut encore parcourir les 10 m (ou parfois 30 ou 40...) qui les séparent de la mer. Elles partent toujours dans la bonne direction mais peuvent mettre des heures !
Le temps semble s'être arrêté cette nuit... C'est une expérience géniale que d'observer ainsi ces tortues et l'oeuvre de dame nature. Un moment qui restera comme l'une des plus belles pages natures que nous aurons vécus, d'autant que nous pensions arriver trop tard pour pouvoir les observer.
Lorsque nous quittons la plage vers minuit, une autre tortue est en train de pondre et les bébés émergent encore. Nous rejoignons San Juan del Sur, toujours émerveillés...
Le lendemain, grasse matinée puis nous grimpons dans un pick-up (le seul proposé, toujours par la Casa Oro, sinon reste l'option des taxis) afin de rejoindre les plages du nord. La route est cabossée, les habitations peu nombreuses et la plage de Marsella quasimment déserte et très belle. Les lieux sont sauvages et peu d'infrastructures touristiques viennent gâcher les lieux, génial ! Quant aux vagues, elles font ici plus que partout ailleurs le bonheur des surfeurs.
Une des vagues du coin est d'ailleurs surnommée "la station de bus" car elle pourrait abriter un bus entier !
En marchant en bord de mer nous atteignons les plages de Maderas et de Majagual, tout aussi sauvages et belles.
Nous rentrons alors que le soleil se couche, étonnés mais ravis que ces plages ne soient pas plus touristiques que cela, surtout en cette période de vacances. Après un délicieux poisson en bord de mer, les rues s'animent et la musique envahit la ville. Samedi soir, la folie s'empare des lieux, les orchestres se déchainent et les gens se déhanchent dans la rue sur les rythmes latinos... La bonne humeur, la fiesta font partie intégrante de l'Amérique centrale et du Mexique et Nicaragua en particulier. Ici les locaux apprennent aux étrangers à danser, nous proposent de boire des coups avec eux, parlent musique... Nous sommes une fois de plus séduits par ce peuple généreux, plein de vie et de bonne humeur.
Nous hésitons à partir le lendemain, et puis non, nous nous sentons bien ici et passons une journée de plus à la plage, lieu privilégié de détente des familles Nicaraguayennes en ce dimanche. Il faut dire qu'on a bien du mal à se décider à quitter le Nicaragua, un pays qui nous a surpris par sa diversité et les possibilités d'expériences uniques qu'il offre (on se souviendra longtemps du volcano boarding et des tortues !). Sans parler de la gentillesse de ses habitants, pourtant porteurs d'une histoire lourde et tragique. Bref, un pays ouvert et généreux, empli de musique et de gaieté, sûrement l'une des destinations les plus insolites en Amérique centrale !